Drive piéton pour les économes, supérettes bio pour les écolos, convenience store avec jus d’orange frais et accès wi-fi pour les bobos et surtout applis dernier cri pour passer de l’e-commerce à la rue ou le contraire sans jamais lâcher son smartphone…
La bataille du commerce de proximité passe par le smart-phygital (synergies entre le magasin et son appli mobile) et Paris et sa proche couronne constitue en la matière un terrain d’expérimentation stratégique, principalement pour la grande distribution en pleine révolution pour éviter de se faire blackbouler par un nouvel entrant façon Uber. Au coeur des enjeux : la proximité et la donnée.
Le drive piéton arrive en force
Il y a encore quelques temps, le 102 de la rue Glacière, dans le 13ème arrondissement parisien, arborait encore ses deux têtes de cheval, symbole des boucheries chevalines. Signe des temps, c’est un drive piéton Carrefour qui s’est installé au pied des barres d’immeubles. L’échoppe annonce la couleur dès sa devanture : «le choix, le prix, la promo de l’hyper en bas de chez vous.» Dans ce quartier peuplé et dense, le distributeur propose ses 15 000 références en quelques clics et un stop sur le trajet du métro. L’espace n’est pas grand, une centaine de m2, et l’ambiance plutôt clinique, loin des affriolantes têtes de gondoles, mais l’heure n’est pas encore aux fioritures, il s’agit de faire passer le message essentiel, visiblement reçu 5 sur 5 par les premiers chalands. «Je viens ici parce que c’est près de chez moi. Ce n’est pas vraiment le concept qui m’a convaincue mais je regarde ce qui est le moins cher», se résout une retraitée. «On vient de m’expliquer le principe à l’intérieur, c’est hyper bien», s’enthousiasme une voisine. Après un premier test début 2018, le distributeur a quadrillé la capitale et aligne désormais plus d’une soixantaine de drive piétons intra-muros dont moins d’une dizaine en solo, comme celui de la rue Glacière, le reste dans des Carrefour city ou market. L’enseigne a également passé le périph avec une dizaine de corners dans des magasins de proche couronne, à Levallois Perret, Châtillon, Montrouge, Vanves… Une toile qui devrait rapidement dépasser la centaine pour rejoindre, en plus grande couronne, celle des drive classiques.
Le groupe n’est pas le seul à jouer le click and collect. Leclerc, qui n’était présent dans la capitale qu’avec un seul hyper dans le 19ème, et un futur supermarché gare Montparnasse en 2020, a lancé la livraison à Paris début 2018 et dégainé son E. Leclerc Relais dans le 17ème dès janvier de cette année, à la Fourche (17ème), déjà rejoint par trois autres à Saint-Michel, Voltaire et Ordener. Si Intermarché ne compte qu’un seul drive piéton en solo intra-muros, ouvert 24h sur 24 boulevard Saint-Michel grâce à un système de casiers réfrigérés en consigne automatique, plusieurs dizaines de drive piétons sont déjà opérationnels en magasin, dans et hors de Paris. Auchan, lui, a relancé l’ancêtre de drive piéton qu’il avait ouvert dès 2014 rue Saint-Charles (15ème) en février 2019 tandis que Casino et Système U s’appuient sur leurs supermarchés pour assurer ce service.
Ximiti, le pure player de la distribution automatique
A Aubervilliers, en contrebas de l’A86, face à une large boucherie halal, ce n’est pas le pilote d’une grande enseigne de distribution qui a ouvert à l’été 2018 mais un magasin automatique, Ximiti, développé par une PME technologique et logistique, Neovendis. Ici, pas le choix de l’hyper mais quelques centaines de produits de première nécessité dispos H24, à réserver et payer par téléphone. «Ximiti fabrique et vend des magasins clefs en main pour un prix moyen de 230 000 € à des personnes possédant un local. Les recettes vont ensuite à 97% au propriétaire du magasin. Nous, nous ne prenons que 3% du chiffre d’affaires pour nos frais de fonctionnement», explique Lionel Hirsch, président de Néovendis. La PME a développé sa propre centrale d’achat. «L’avantage, par rapport au e-commerce classique ou même à un drive piéton, est la rapidité de la disponibilité. Un ado qui a cassé son câble d’Iphone le soir aura plus vite fait de venir le chercher dans un magasin automatique que de le commander sur Internet», motive le patron de l’entreprise, tout en reconnaissant qu’il s’agit avant tout d’une solution de dépannage. Ici, le panier moyen est de 5-6 euros. Le concept se veut aussi souple dans sa proposition, adapté au contexte local. À Aubervilliers par exemple, le magasin est en face d’une station de lavage et dispose donc d’un gros rayon d’accessoires de voitures. Ximiti vise entre dix et douze ouvertures cette année mais Paris figure parmi les places difficiles à prendre en raison des prix. «On a des pistes mais il y a toujours le problème du loyer. J’espère qu’on ouvrira un jour sur les Champs-Elysées!»
Proximité, services et connectivité
Si l’e-commerce constitue l’un des axes de croissance prioritaire de la grande distribution, en livraison ou en relais drive, l’ouverture des supérettes de proximité en constitue un autre, en contrepartie d’une réduction de la dépendance aux hypers. Depuis quelques années, ce-sont des dizaines de supérettes qui ont été créées ou transformées en Carrefour Market, Carrefour City et autres Franprix, avec une grosse attention sur le service, des produits frais au jus d’orange pressé en temps réel en passant par le vrac écolo, les rayons bio XXL, le poulet rôti et les espaces pour manger sur place tout en disposant du Wi-Fi. Pas question en effet de sortir sans son smartphone et l’appli du magasin, même lorsque l’on décide de pousser son caddie soi-même. Les expériences de magasins sans cash d’Amazon Go, pour l’instant rivées de l’autre côté de l’océan, font frissonner d’avance. Dans la majorité des Monoprix de l’agglomération, on peut déjà s’éviter la file d’attente aux caisses, de plus en plus majoritairement automatiques, en scannant directement ses produits avec son téléphone à partir de son application Scan & Go. Idem au Casino le 4, installé aux Champs Elysées, qui joue aussi sur le digital non mobile avec des écrans géants tactiles à commande vocale ou une cave à vins connectée qui éclaire les types de bouteilles que l’on souhaite… Un concept store digne de la prestigieuse avenue même si la clientèle est plus prosaïque dans ses motivations. «Je travaille à côté et ça coûte un bras de déjeuner dans le coin. Ici, on trouve les produits un peu moins cher», confie une cliente.
Données clients : même quand tu paies, c’est toi le produit!
Point commun à ces démarches numériques : la donnée fournie à profusion par les consommateurs. De quoi non seulement adapter ses rayons de manière fine et géolocalisée, proposer des promotions ciblées, mais aussi monétiser cette mine auprès des fournisseurs, voire des clients extérieurs. Chez Casino, la valorisation des données, portée par la filiale 3W.relevanC a généré un chiffre d’affaires de 41 millions d’euros en 2018 (à rapporter certes aux 36 milliards d’euros de recette du groupe). Le distributeur a aussi noué des partenariats avec TF1, Publicis, Nielsen ou encore Europe1 pour valoriser sa data. Le groupe revendique 31 millions de profils utilisateurs et 55% de couverture des internautes français, sur 1500 critères de segmentation… Un tas d’or.
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