Quel avenir pour les forêts d’Ile-de-France? Donnez votre avis.

Photo © Mathis Fleuret

Il ne reste plus que quelques jours, jusqu’au 6 septembre, pour donner son avis sur le Programme régional de la forêt et du bois d’Île-de-France (PRFB), soumis à consultation publique. En jeu : la gestion des 263 000 ha de forêts franciliennes sur dix ans tant sur le plan environnemental que de développement économique

Si le territoire francilien n’est pas le plus boisé de France, bien que son taux de boisement (23%) soit proche de la moyenne nationale (26%), la concentration de sa population (18% de la population du pays pour seulement 1,9% du territoire), confère un enjeu particulièrement important à la gestion de ses forêts, très sollicitées comme poumon vert de ce cinquième de la population française. Dans le même temps, se posent également des enjeux de développement de la filière fois-forêt de la région, aujourd’hui inadaptée pour satisfaire les besoins locaux en raison notamment d’une carence d’acteurs dans la première étape de transformation et d’une demande essentiellement tournée vers les résineux et qui boude les feuillus qui font la richesse des forêts de la région.

Contexte réglementaire. Concilier écologie et économie, renforcer la compétitivité et l’emploi des filières bois régionales, répondre aux attentes du public en matière de nature et de paysage, s’intégrer dans les projets locaux des territoires, lutter contre le réchauffement climatique mais aussi s’y adapter… autant d’objectifs du Programme national de la forêt et du bois (PNFB) arrêté en février 2017 dans la lignée de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Une loi qui a reconnu d’intérêt général le rôle des forêts dans le maintien de la biodiversité ou encore le stockage du carbone. Télécharger le PNFB. C’est dans ce contexte qu’a été élaboré le PRFB, déclinaison régionale de ce plan, par la préfecture d’Ile-de-France et le Conseil régional. Ce programme régional se substituera aux orientations régionales forestières (ORF) et aux programmes pluriannuels régionaux de développement forestiers (PPRDF). Télécharger le PRFB.

De la nécessité de protéger les forêts

Alors que la pression foncière est forte, des outils de protection ont été mis en place pour sanctuariser les forêts encore présentes, comme le classement en forêt de protection qui concerne aujourd’hui cinq massifs : Fontainebleau (28 915 ha en Seine-et-Marne et Essonne), Rambouillet (25 200 ha dans les Yvelines), la forêt de Sénart (3 410 ha en Essonne), l’Arc boisé (2 892 ha en Val-de-Marne, Seine-et-Marne et Essonne) et la Forêt de Fausses-Reposes (615 ha dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine). Ce classement interdit tout changement d’affectation du sol forestier et garantit sans empêcher son exploitation (récolte et interventions sylvicoles, chasse, accueil du public…). Au total, 61 032 ha de bois et forêts ont été classés ainsi, ce qui représente 23,2 % de la surface forestière régionale (263 000 ha).

Dix nouvelles forêts à protéger

Le programme prévoit d’aller plus loin et de classer dix nouvelles forêts, allant de seulement 150 ha comme la forêt de Bondy (Seine-Saint-Denis) à quelque 3600 ha comme la forêt de Saint- Germain-en-Laye (Yvelines). Les huit autres sites concernés sont la forêt de Meudon (1 338 ha dans les Hauts-de-Seine), les forêt d’Armainvilliers et de Ferrières (1548 ha et 2 928 ha en Seine-et-Marne), la forêt de Montmorency (1 981 ha en Val d’Oise), la forêt de l’Isle-Adam (1 568 ha en Val d’Oise), la forêt de Versailles (983 ha dans les Yvelines), la forêt de Carnelle (981 ha en Val d’Oise), la forêt de Verrières (584 ha en Essonne et Hauts-de-Seine) et la forêt de La Malmaison (320 ha dans les Hauts-de-Seine). Au-delà des classements en forêt de protection, les collectivités peuvent aussi procéder au classement en espace boisé classé.

Le fléau des déchets sauvages coûte près d’un million d’euros par an

Objets de 80 millions de visites par an, dont 11 millions rien que pour la forêt de Fontainebleau, les forêts franciliennes constituent un espace de respiration indispensable pour les habitants. Une fréquentation humaine bienvenue sauf lorsqu’il s’agit de se débarrasser de ses gravats et encombrants. «A titre d’exemple, l’Office national des forêts (ONF) ramasse chaque année 1600 tonnes de déchets et dépôts sauvages dans les forêts d’Ile-de-France, représentant un coût de 900 000 €», cite le programme régional.

Chasseurs et forestiers : un compromis à préciser

Le programme défend en revanche la chasse pour préserver l’équilibre entre la forêt et le gibier, constitué essentiellement de cerfs, chevreuils et sangliers. Un équilibre qui ne se chiffre pas de la même manière chez les chasseurs et les forestiers, constatent les auteurs du programme qui invitent à préciser le cadre de manière concertée pour favoriser cet «équilibre sylvo cinégétique».

Une production insuffisamment exploitée par rapport aux besoins locaux

Au-delà des visites, la région est aussi demandeuse de bois pour se chauffer et pour la construction. Sur ce sujet, le programme part du constat que le potentiel régional boisé est insuffisamment exploité et contribue à une dépendance importante en matière d’approvisionnement. Seulement 53% de la production annuelle (de l’ordre de 1,4 million de m3 par an) est ainsi prélevé et exploité. Soit 742 000 m3 de bois prélevés en 2016. Pour promouvoir le bois francilien, le programme préconise d’accroître les usages du bois en circuit court et de proximité. De quoi contribuer à l’objectif des 70 000 logements par an jusqu’en 2030, voire à la reconstruction de Notre-Dame de Paris…

Une exploitation majoritairement dédiée au bois d’énergie

Pour l’heure, cette exploitation bénéficie en majorité au secteur de l’énergie, en forte progression, avec 96 chaufferies dans la région, et au secteur de la construction bois qui, malgré de moins bons chiffres que les autres régions, se développe fortement. L’exploitation du bois industrie a en revanche drastiquement chuté (divisée par cinq de 2005 et 2016). «Cela s’est intensifié depuis la disparition de la papeterie M-Real à Alizay dans l’Eure en 2011», constate le programme. Sur les 742 000 m3 de bois prélevés en 2016, 381 038 m2 ont été commercialisés, le reste étant auto-consommé. La répartition de la commercialisation a été de 63% en bois énergie, 30% bois d’oeuvre et 7% bois industrie.

Bois de construction : adapter la demande à l’offre de feuillus

Objectifs de mobilisation de bois projetés par le PRFB

Le déficit de bois d’oeuvre par rapport à la demande s’explique, selon le programme, par l’insuffisance des activités de première transformation du bois. «Moins de 1 % des bois issus des forêts franciliennes est transformé en Île-de-France. (…) Cela conduit à une rupture de la chaîne de valeur entre l’amont et l’aval de la filière», est-il constaté. En cause : l’inadaptation entre la ressource régionale composée à 94% de feuillus et la demande croissante du marché de la construction pour les résineux. Au-delà, se posent plus classiquement les obstacles aux activités de transformation tels que le coût élevé du foncier, les nuisances, ou encore «l’acceptation sociale des opérations de gestion sylvicole par la société civile.» Bilan : des effectifs qui ont diminué de 16 % entre 2004 et 2012, impactant d’abord les PME et TPE. Pas question pour autant de convertir les forêts franciliennes en résineux. «L’utilisation des essences locales, principalement feuillues, pour satisfaire cette demande représente un véritable défi à surmonter, insiste le programme. L’enjeu pour la filière bois francilienne est donc d’accompagner et de faciliter le développement inéluctable de la construction bois principalement auprès des maîtres d’ouvrage, mais également de porter à plus grande échelle la préparation des professionnels de la construction, maîtres d’ouvrage, architectes, bureau d’études et entreprises, à cette transition.» Dans ses propositions d’action, le programme ouvre toutefois la perspective d’encourager les essences résineuses dans certains contextes, pour diversifier la forêt afin de la rendre plus résiliente au changement climatique et car leur croissance rapide en fait de très bons stockeurs de carbone,

Impliquer les territoires dans la gestion des forêts

Pour concilier et développer tous les usages de la forêt, le programme préconise le développement des chartes forestières de territoire (CFT) qui mettent tout le monde autour de la table pour définir les programmes de développement d’une forêt. Aujourd’hui, seulement quatre chartes ont été élaborées en Ile-de-France (sur environ 140 en France), par le parc naturel régional Oise Pays de France, celui du Gâtinais, la forêt de Sénart et l’Arc boisé du Val-de-Marne.

En chiffres. La surface de la forêt francilienne se décompose en un tiers de forêts publiques, un cinquième de forêts privées dotées d’un plan simple de gestion et une moitié de propriétés privées non dotées de document de gestion durable. Sur les 263 000 ha de forêt en Île-de-France, 258 000 ha sont considérés comme des forêts de production, composées à 94 % par des feuillus. Ce stock de bois vivant représente 44,3 millions de m3 et est principalement constitué de chêne sessile ou chêne rouvre (11,3 Mm3), de chêne pédonculé (7,4 Mm3) et de châtaignier (5,2 Mm3). Les résineux n’entrent en ligne de compte que pour 3 Mm3. La production annuelle est de l’ordre de 1,4 million de m3 par an, dont un peu plus de la moitié est exploitée. (Voir le détail plus haut). En termes d’emplois, la filière forêt-bois Ile-de-France représente 11 200 emplois directs.

15 objectifs opérationnels

A partir de ces orientations stratégiques, le PRFB décline 15 objectifs opérationnels chacun assortis d’un certain nombre d’actions concrètes.

  1. Adapter la gestion sylvicole pour anticiper le changement climatique.
  2. Dynamiser la gestion forestière dans les territoires prioritaires.
  3. Innover et communiquer sur le financement de la gestion durable des forêts franciliennes.
  4. Favoriser l’implantation et le développement en Île-de-France ou dans les régions périphériques d’unités de première et de seconde transformation.
  5. Inciter à l’intégration des enjeux forestiers dans les documents de planification territoriale et autres projets de territoire.
  6. Développer les usages du bois en circuits courts et de proximité.
  7. Inciter à recourir au bois dans l’aménagement et la construction et accompagner la structuration des entreprises de la filière
  8. Structurer la filière bois-énergie et améliorer sa performance environnementale et énergétique.
  9. Développer les compétences et la viabilité des entreprises de l’amont forestier.
  10. Préserver, améliorer et valoriser la biodiversité et les services écosystémiques rendus par la forêt et la filière forêt-bois.
  11. Communiquer sur la gestion forestière, la filière forêt-bois et ses métiers.
  12. Adapter les pratiques de gestion forestière à la fréquentation des forêts.
  13. Améliorer l’accueil et l’accès du public en forêt.
  14. Développer la concertation autour de la gestion des forêts publiques à forte fréquentation.
  15. Maintenir et/ou rétablir l’équilibre sylvo-cynégétique.

L’Autorité environnementale veut prioriser les objectifs écologiques

Dans son avis rendu sur le programme, l’Autorité environnementale insiste d’abord sur les enjeux du programme. Pour l’Ae, les priorités doivent toutes être environnementales, qu’il s’agisse du stockage du carbone pour contribuer aux objectifs climatiques, de l’adaptation au réchauffement, de la biodiversité ou encore de la protection de la ressource en eau. Et de pointer que les priorités du programme intègrent la dimension environnementale mais se fixent aussi des objectifs en matière de compétitivité de la filière fois, de dynamiques territoriales ou encore d’accueil du public.

Concernant les orientations environnementales du programme, l’Ae regrette des objectifs essentiellement qualitatifs qui ne se traduisent pas dans des documents d’orientation forestière contraignants. L’Ae demande notamment à ce que soit évaluée la quantité supplémentaire de CO 2 qui serait stockée grâce au PRFB. Sur ce point, les auteurs du PRFB répondent que cet exercice serait «particulièrement complexe» car «fortement tributaire de la disponibilité et de la qualité des données, reposant sur des facteurs particulièrement nombreux (âges, essences, volumes considérés, rythme(s) et méthode(s) d’exploitation, de stockage, modalités et fréquences de transports, etc.)» non réalisable au regard des moyens techniques et du calendrier de l’équipe projet, pointant également que cet exercice n’a pas été réalisé dans les autres PRFB en cours et «qu’il n’existe pas de méthodologie adéquate, préalablement validée par l’Ae». L’autorité insiste également sur l’effort à faire pour développer la filière bois de construction plutôt que bois de chauffage et demande de préciser les solutions en ce sens.

Télécharger l’avis de l’Ae.
Télécharger le mémoire en réponse des auteurs du PRFB.

Participer à l’enquête publique
L’ensemble des documents relatifs au Programme régional de la forêt et du bois d’Ile-de-France est disponible sur le site de la DRIAA (Direction Régionale Interdépartementale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt).
Voir le site
Il est possible d’adresser ses remarques à l’adresse mail suivante : prfb.draaf-ile-de-france@agriculture.gouv.fr

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